Entretien avec Christelle Dabos, Mercredi 05 Juin 2019

 

ENTRETIEN AVEC CHRISTELLE DABOS

Mercredi 05 Juin 2019

  

 ©EditionsGallimard



Elle n'est plus à présenter et pourtant, nous la présentons tout de même : Christelle Dabos est devenue une véritable référence de la scène fantasy française. Alors qu'elle annonçait à ses lecteurs il y a peu de temps la date de parution tant attendue du quatrième et dernier tome de sa saga La Passe-Miroir (à vos agendas, il sortira le 28 Novembre 2019 !), notre équipe a eu la chance de pouvoir lui poser quelques questions ! 😃





Qui êtes-vous, Christelle Dabos ? 


C.D. : Je suis Cannoise par la naissance, Belge par le cœur. J’ai 39 ans, pas toutes mes dents, et je suis tombée dans la marmite éditoriale en 2012 grâce au Concours Premier Roman organisé par Gallimard Jeunesse. J’ai depuis publié trois tomes (bientôt quatre) d’une série littéraire appelée La Passe-miroir.



Pouvez-vous nous présenter La Passe-Miroir en quelques mots ?


C.D. : En quelques mots ? Cette histoire en possède cinq cent mille et je n’ai jamais été fichue d’en faire un résumé correct. Je peux au moins en dire que c’est un roman où toutes les apparences sont trompeuses et où la première impression n’est jamais la bonne (la deuxième pas toujours non plus d’ailleurs). Dans un monde éclaté en morceaux, Ophélie est fiancée de force à un étranger, Thorn, qui l’emmène sur la lointaine arche du Pôle. Elle sait lire les objets avec les mains et traverser les miroirs. Quant à lui, il sait surtout se faire des ennemis.



Quelles sont vos principales influences littéraires ?


C.D. : Pour la Passe-miroir, trois œuvres littéraires m’ont particulièrement inspirée : À la croisée des mondes de Philip Pullman, les Harry Potter de J. K. Rowling et Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll. J’y ajouterai volontiers les contes de Perrault, de Grimm, d’Aymé et de Gripari.





Envisagez-vous un jour des travaux de co-écriture ?


C.D. : Voilà une excellente question qu’on ne me pose pas souvent. Je suis fascinée par le principe, mais j’ignore si je ferais moi-même une bonne coéquipière. J’admire les auteurs qui sont capables de se donner la réplique et de se compléter. Je me suis déjà prêtée à l’exercice sur des textes courts – je suis en plein dedans en ce moment même ! – mais qu’en serait-il sur tout un roman ? Je me suis toujours raconté des histoires dans le théâtre intérieur de ma tête : quelle place laisserai-je à l’autre ? Ce serait peut-être une nouvelle étape de mon évolution dans la pratique de l’écriture.



Avec qui aimeriez-vous tenter cette aventure ?


C.D. : Ma première pensée a été pour Carole Trébor. Je suis une grande admiratrice de ses œuvres, des Nina Volkovitch à Libérez l’ours en vous, et je me sens humainement très proche d’elle.





Quel est le livre que vous auriez aimé écrire ?


C.D. : Je ne crois pas avoir jamais pensé, à propos d’une histoire, que j’aurais voulu en être la créatrice. En revanche, il m’est arrivé de me prendre des claques littéraires et de me dire en me retroussant les manches : « Cricri, tu n’es restée qu’à la surface jusqu’à présent, il va falloir creuser plus en profondeur. » Ça s’est produit par exemple quand j’ai lu Le Gardien des créatures de Franny Billinglsey, Casa de campo de Donoso, la fanfiction Obscurité et lumière de R. J. Anderson et toutes les histoires en ligne de LinE et Danah sur le site Plume d’Argent. Voilà, voilà, je n’ai donc pas du tout répondu à la question.





Quelles sont vos habitudes quand vous vous mettez à écrire ?


C.D. : Il n’y a pas si longtemps, j’aurais répondu qu’il me faut impérativement pour écrire un canapé, un coussin et un plaid. Sauf que je me suis rendue compte tout récemment que mon canapé est en train de me détruire le dos. J’ai migré, avec mon plaid et mon coussin, vers un vrai bureau. Dur-dur ! Je ne travaille que sur ordinateur, j’ai une écriture manuelle assez atroce. Parfois, je lance de la musique pour me mettre sur la bonne longueur d’onde avec la scène sur laquelle je suis en train de travailler. Mais surtout, surtout, il ne me faut PAS de chat. Qu’il n’y ait aucun malentendu : j’adore les chats, j’en ai un moi-même, mais il est absolument impossible d’écrire avec une créature qui miaule à chaque fois que vous vous concentrez.



Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans l’écriture ?


C.D. : J’aime quand il s’échappe soudain de mes doigts des mots que je n’ai pas vu venir et qui touchent mes cordes sensibles, qui tapent là où ça fait du mal, puis là où ça fait du bien. Bref, ce qui me passionne, c’est tout ce qui me prend au dépourvu et qui me fait grandir au-dedans.



Quel est votre genre de prédilection, que ce soit en lecture ou en écriture ?


C.D. : J’ai une légère (d’accord, lourde) tendance au débordement d’imagination, mais je ne peux pas dire que j’ai un territoire bien à moi. Ce n’est pas le genre qui me fait aimer une œuvre, c’est l’œuvre qui va me faire aimer un genre. Et rien ne me plaît d’avantage quand les genres se mélangent, parfois de façon complètement improbable.



Un livre vous a-t-il déjà fait pleurer ?


C.D. : On m’a dit une fois qu’avec des mots, il est plus facile de faire rire que pleurer. Jusqu’à mes trente ans, je n’ai jamais tiré la moindre larmichette face à une histoire, aussi bouleversante soit-elle. Et soudain, ça m’est venu d’un coup. Je me sensibilise avec l’âge. Dès que l’émotion est trop forte, ça pique, ça coule, ça renifle. La première fois que ça m’est arrivé, c’était avec Les Maudits d’Édith Kabuya. Et la dernière fois, avec Libérez l’Ours en vous de Carole Trébor.




Quel est le personnage issu du monde de la fiction dans lequel vous vous reconnaissez le plus ? 



C.D. : La maman dans la bande-dessinée Lou ! de Julien Neel. Cette femme joue aux jeux vidéo, attend des autres qu’ils lui fassent la cuisine, écrit de la SF, génère du désordre partout où elle va, fait preuve d’un parfait manque de goût vestimentaire et capillaire… c’est mon âme sœur.




Quels sont vos héros de la « vraie vie » ?


C.D. : Mon compagnon. Il n’aimerait pas être comparé à une figure héroïque et c’est quelqu’un qui s’active énormément dans les coulisses. Mais il est ma figure de référence. C’est quelqu’un qui réfléchit continuellement pour déterminer ce qu’il est juste de faire. Je n’avais pas une telle conscience éthique avant de le connaître. À chaque fois que je suis confrontée à une situation délicate, à un rapport de force, à un dilemme cornélien, je pense à lui. J’essaie alors de sortir de ma zone de confort (à savoir ne pas trop me mouiller), faire un choix et l’assumer.


 


Avez-vous déjà de futurs projets à l’esprit ?


C.D. : J’ai une nouvelle histoire qui est en train de me gratter derrière les oreilles, oui. Je suis incapable d’en parler. C’est comme raconter un rêve qu’on a fait durant la nuit, qui nous a laissé une forte impression et qui, dès qu’on essaie de coller des mots dessus, devient tout plat.




Avez-vous d’autres passions dans la vie, en dehors de l’écriture ?


C.D. : Je ne suis pas une personne passionnée par essence. J’apprécie surtout les petits plaisirs : les échanges, les repas, les siestes, les dessins-animés, les promenades. J’essaie de profiter de chaque expérience et chaque rencontre qui se présentent à moi, mais je ne cherche pas coûte que coûte à les provoquer. En fait, quand je n’écris pas, ce que je préfère le plus, c’est observer ce qu’il y a autour et à l’intérieur de moi. J’aime regarder, j’aime écouter. Tout simplement.




C’est la fin du monde et vous ne pouvez emporter que trois objets avec vous dans votre fuite effrénée vers un refuge : lesquels ?


C.D. : Hm. Mon plaid, mon coussin et… allez, mon chat.




Quelle est votre citation préférée ?


C.D. : « Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. » (Le Lièvre et la Tortue de Jean de la Fontaine)



Quelle question aimeriez-vous que l’on vous pose plus souvent ?


C.D. : Ça alors, je ne me suis jamais demandé et, même en y réfléchissant, j’ai du mal à répondre.




Quelle question préfèreriez-vous que l’on arrête de vous poser ?


C.D. : « Quand venez-vous enfin dans ma ville ? » Ah, ah, elle est culpabilisante, cette question ! À chaque fois que j’annonce que je me rends à tel ou tel endroit, j’ai toujours l’impression de faire des déçus. Quelque part, c’est touchant, mais je ne peux pas être partout.




Quelle est votre définition du bonheur ?


C.D. : Je pense qu’il ne se définit pas. C’est sans doute paradoxal de la part d’une personne qui aime écrire, mais je crois que le bonheur se situe dans un espace beaucoup plus vaste que les mots.








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La Passe-Miroir, Tome I, II et III
La Passe-Miroir, Tome IV






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Propos recueillis par
Roman-e

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