La Passe-Miroir, Tome I, II et III, by Christelle Dabos
LA PASSE-MIROIR
Une saga devant laquelle vous ne pourrez rester de glace
Il y a de cela une grosse semaine, je restais bouche-bée devant les dernières lignes du troisième tome de la saga La Passe-Miroir 😮 Cela faisait un petit moment que je voulais vous parler de ce périple littéraire – dès la fin du premier volet en vue, à dire vrai, mais je n’ai pas eu la patience d’attendre entre chaque tome pour partager mon avis au fur et à mesure 🤷♀️ Retour donc aujourd’hui sur l’ensemble de cette œuvre qui a su totalement m’impressionner !
Parue chez les éditions Gallimard Jeunesse en 2013, Les Fiancés De L’hiver se présente comme le premier tome de la saga La Passe-Miroir. Combien de fois l’ai-je vu trôner fièrement sur les tables mises à disposition dans les petites bibliothèques ou autres espaces culturels ? Oui, mais voilà : je ne suis pas une grande adepte de fantasy 🤷 Si je ne suis pas du genre à me fermer au moindre genre, je dois bien reconnaître que les récits d’arches dans le ciel, d’animisme et autres fantaisies (c’est le cas de le dire) ne me motivent généralement pas à ouvrir un roman traitant de ces sujets 🤔 Cela étant, je crois bien que j’ai appris une nouvelle fois de mes erreurs grâce aux ouvrages de Madame Dabos.
On ne le dira jamais assez, les préjugés ont la vie dure. Et c’est bien à cause de quelque chose d’aussi idiot qu’un préjugé que j’ai manqué passer à côté d’une pépite littéraire. Car oui, je ne mâche pas mes mots, l’ensemble de l’œuvre a mis en exergue les rouages d’une mécanique parfaitement huilée. Et cela, sur les bons conseils d’une amie que je sais être avisée et qui me fournit régulièrement de nouveaux ouvrages à découvrir (tu te reconnaîtras, je le sais 😉).
Revenons donc sur le synopsis de ce premier volet : Ophélie, sous des dehors réservés, possède deux dons très particuliers : ses mains de liseuse lui permettent de lire le passé des objets, tandis qu’elle a la capacité de voyager à travers les miroirs sur de courtes distances. Alors qu’elle vit une existence tranquille sur l’arche d’Anima, où les objets prennent vie selon les humeurs de leurs propriétaires, la jeune femme se retrouve soudainement promise en mariage à un dénommé Thorn, représentant du puissant clan des Dragons, vivant sur une arche hostile et pleine de dangers. Arrachée à son quotidien et sa famille contre son gré, elle va très vite découvrir qu’au-delà des intrigues pernicieuses de la cour de la Citacielle, c’est un danger mortel qu’elle court en devenant le jouet d’un complot d’envergure dont elle ignore encore tout...
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la première moitié du livre a manqué me faire renoncer à lire les volets suivants de la saga. Il faut dire que je m’exposais totalement en dehors de ma zone de confort ! Ces histoires de maisons et d’écharpe vivantes, ces caractères tous plus détonants les uns que les autres, ce froid glaçant dans lequel l’on nous plonge en lâchant des indices au compte-goutte sur l’intrigue globale, tout cela combiné avait de quoi refroidir la non-amateure de ce genre littéraire que je suis (que j’étais ?).
Pour autant, je me suis insidieusement attachée à chacun des personnages réguliers qui peuplent ce premier tome. Ophélie est le genre de personnage qui relève d’une cohérence que j’affectionne tout particulièrement. Combien de fois nous a-t-on fait le coup de l’héroïne timide et empotée, qui se trouve sans charme particulier ? La lassitude pourrait se faire ressentir, d’autant que celle-ci se découvre généralement une âme de rebelle et de combattante qui ne cadre plus avec la petite chose apeurée que l’on nous présente dès le début. Sauf qu’Ophélie ne fait pas partie de cette génération de timidité érigée en un bouclier mensonger.
Son caractère relève d’une réserve presque extrême – je dis presque car je me dois de réserver l’envergure totale de cet adjectif pour le cas de Thorn, que nous aborderons juste après. Sa maladresse est aussi réelle que sincère, et fait très rare, parfaitement et logiquement justifiée. Rien dans son attitude et ce qu’elle véhicule ne détonne, chaque élément qui la constitue affine l’ensemble, sans être porté à exagération. Il n’en reste pas moins que la jeune femme est d’une grande intelligence et d’une grande intuitivité. Sa ténacité, son courage et sa résilience n’ont pu que me laisser admirative. Un sans-faute pour un personnage original qui sait séduire, sous ses airs d’empotée chronique sous lesquels tout le monde aime à la cataloguer.
Ne me demandez pas pourquoi – enfin, vous le pouvez, mais je ne saurais vraiment l’expliquer 🤷 – mais je l’ai imaginé physiquement tout du long comme la petite héroïne de Marie Alhinho, Orphéa Fabula, illustrée par Miss Paty. En plus âgée et sans les cheveux roses bonbons, il ne manquait qu’une grosse écharpe pour parfaire le tableau. Et quand on connaît le caractère dynamique et bien trempé de la jeune Orphéa, aux consonances pourtant proches du prénom d’Ophélie, on ne fait pas forcément un lien immédiat entre les deux jeunes filles de papier 🤔
Vient ensuite le fiancé pas du tout désiré, Thorn. Sa description a elle aussi de quoi donner froid dans le dos au premier abord : un homme immense et maigre, donc la dureté n’égale que sa rigueur et son indifférence pour les sujets qui ne rentrent pas ni dans sa liste de priorités, ni dans celle de ses objectifs. Lui non plus ne commet jamais la moindre faute de constance et cela en serait presque rassurant, à défaut d’être réconfortant, pour sa malchanceuse promise. Malchanceuse en premier lieu et en apparence, seulement, puisque l’homme se révèle progressivement, bien qu’avec les plus grandes difficultés, concerné par le sort de sa fiancée.
Il y a énormément de personnages sur lesquels j’aimerais m’attarder mais il me faudrait carrément écrire un roman sur la question et avouons-le, cette review risque déjà d’être infiniment longue. J’aurais toutefois un petit mot pour Berenilde, qui reste un de mes personnages préférés en dépit des relations dans un premier temps difficiles qu’elle entretient avec notre jeune héroïne, mais aussi pour Archibald, dont l’insolence a illuminé la gravité de l’intrigue.
Si le récit en lui-même met du temps à se mettre en place, c’est à partir du moment où l’on se retrouve au cœur des intrigues qui régissent le quotidien de la Citacielle, capitale du Pôle où Ophélie doit désormais vivre, que l’histoire prend une toute autre saveur. Une fois que vous y avez mis les pieds, ne croyez plus en rien : méfiez-vous des gens qui ne vous inspirent aucune confiance, méfiez-vous plus encore de ceux en qui vous placez vos espoirs. Rien n’est jamais acquis, tout est toujours affaire de dissimulations et de tromperies – à une autre échelle, cela pourrait très bien égaler une série d’espionnage gouvernementale inter-agences à la Quantico. La sécurité devient une notion surfaite, dans un monde aussi dangereux 😶
L’originalité est impossible à remettre en question, si bien que j’ai même du mal à trouver des points de repère ou de concordance avec d’autres œuvres déjà existantes. J’ai ouï dire de pas mal de côtés qu’il y avait un esprit Alice Au Pays Des Merveilles qui flottait autour de cette histoire. Si je peux comprendre ce point de vue, je le réfute à un niveau personnel dans la mesure où j’ai eu la (mal)chance de lire cette duologie de Lewis Carroll et que je l’avais tout simplement... 🤷♀️ Eh bien, détestée, de par son incohérence et son côté hallucinogène, qui aurait pu sérieusement concurrencer la scène des éléphants roses dans Dumbo.
Quand on voit le travail d’organisation qu’a nécessité un livre comme Les Fiancés De L’hiver et qui m’a laissée pantoise, il est impensable d’associer les personnages d’Alice Au Pays Des Merveilles qui n’ont pas une once de cohérence et de sens – à mes yeux, bien sûr – avec ceux de Christelle Dabos. Bien sûr, je ne suis pas fermée sur la question, c’est un raisonnement au premier degré que je vous avance 😂, et je réitère que je saisis les éventuels traits de concordance que l’on pourrait penser discerner d’une œuvre à l’autre 😉
En conclusion, si ce tome peut potentiellement décourager les frileux du genre dans un premier temps, la curiosité est néanmoins parfaitement éveillée en finalité et donne absolument envie de poursuivre l’aventure. Le meilleur reste encore à découvrir.
Car oui, c’est bien le deuxième tome qui m’a le plus transportée de toute la saga. Si Les Fiancés De L’Hiver posait le cadre, Les Disparus du Clairdelune offre un nouveau contexte plein de suspense. La tension y est permanente et si les complots qui se tramaient dans l’ombre n’étaient déjà pas une mince affaire, ils n’étaient rien comparés à ce qui attend Ophélie au fil des disparitions qui troublent la quiétude relative de la Citacielle.
Il est presque étonnant de constater que loin de tomber dans la redite, le récit instauré dans le premier volet prend de l’ampleur, de l’épaisseur et gagne en profondeur, au même titre que ses personnages. Je suis particulièrement fan de l’esprit de famille Farouk, si déstabilisant et lunatique. Une heure passée en sa compagnie, c’est presque aussi stressant qu’une journée entière passée au milieu des ombres machiavéliques qui rôdent autour de notre héroïne – presque car à dire vrai, une journée pareille ne saurait rivaliser avec le danger que représente à chaque instant l’instabilité de cette entité.
Il est tellement agréable de pouvoir se laisser surprendre par sa lecture ! Je dois reconnaître que cela devient beaucoup trop rare dans la littérature actuelle, les mêmes schémas sont tellement surexploités que les intentions cachées des auteurs se révèlent de plus en plus tôt dans les récits, hélas. Mais Christelle Dabos ne verse pas dans la facilité, loin de là, et je l’en remercie car grâce à elle, j’ai encore la chance de m’exclamer et de me faire surprendre malgré toute l’attention que je porte aux petits détails 🙏 Il est tout bonnement impressionnant de voir la manière dont sont subrepticement placés des indices juste sous notre nez, sans que notre esprit n’aille du point A au point B. Je peux vous dire que lorsque j’avais la chance d’en détecter certains et de faire la bonne corrélation, c’était avec un sentiment de fierté rare 😂
Difficile de pouvoir m’étaler tout mon content sans révéler le contenu du livre, mais je dois dire que je ne saurais pas quel bout m’y prendre pour résumer une œuvre de cette richesse. Le mieux est encore d’oublier les résumés et de plonger directement à pieds joints dans cette lecture.
Le dernier tome actuellement édité, La Mémoire de Babel, ne fait pas non plus l’erreur de se reposer sur ses acquis. Au contraire, ce sont de véritables prises de risques qui s’accumulent pour nous offrir un nouveau volet plein de rebondissements et de cette tension que nous apprécions tellement ressentir dans cet univers si particulier. Soyez prêts à accepter de tout laisser derrière vous et de tout recommencer à zéro. Plus rien n’est acquis et le danger est partout, bien plus grave que jamais soupçonné.
Laisser passer ces deux années était un choix audacieux, mais qui a porté ses fruits. Contrairement à ces suites, nombreuses, qui écoulent les années par facilité, pour survoler des événements qui auraient mérité que l’on s’y penche, cette ellipse n’est pas un simple faux-raccord et tout reste à faire. Réinventer un nouveau monde d’une telle complexité à un stade si avancé de l’histoire, c’est une marque de génie, à mes yeux. J’en viens à me demander si Christelle Dabos ne partage pas la même complexité et ingéniosité d’esprit que Thorn lui-même, ce qui n’est pas peu dire. Rares sont les auteurs français à créer des univers aussi complexes et fournis sans jamais paraître se perdre dedans.
Je suis restée face aux dernières lignes de ce troisième tome comme deux ronds de flan, si vous me passez l’expression 😶 Parce que même si je m’y attendais en partie, j’espérais sincèrement avoir la plupart des réponses aux questions que je me posais depuis le début. Mais devoir attendre l’écriture de quatrième tome, cela m’a semblé coûté un effort titanesque sur l’instant 😅
Quoi qu’il en soit, c’est avec une grande impatience que j’attendrai cette suite annoncée comme la fin des aventures d’Ophélie et Thorn. Ils me manqueront, certes, tout comme la plume d’une belle délicatesse de l’auteure, mais j’ai véritablement besoin de savoir ce qu’il se passe avant le grand point final.
Une saga que je vous recommande vivement et qui occupera votre esprit encore longtemps après votre lecture 😃
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Le petit mot de la fin 🖋
Ce retour sur la saga « La Passe-Miroir » n’est que le fruit d’une appréciation générale de la lectrice perdue au milieu d’une foule de tant d’autres que je suis. Les remarques, positives comme négatives, qui y sont établies ne sont que le reflet de mon avis personnel sur la question et ne sauraient s’autoproclamer références en la matière ☝
N’hésitez donc jamais à ouvrir vous-mêmes ce livre pour vous en faire votre propre avis et si je ne pouvais vous donner qu’un conseil, terminez-le quoi qu’il en soit, afin d’avoir toutes les cartes en mains pour vous prononcer sur la qualité de celui-ci dans son intégralité 😉
N’oublions jamais qu’un roman dont la lecture ne nous prend que quelques heures représente en réalité des mois de travail acharné de la part de l’auteur, qui a mis une importante part de lui dedans et qui a pris le risque d’exposer son bébé au reste du monde 💚
Every Trick In The Books
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