Asylum, by Emilie Autumn

 

ASYLUM

Une histoire de dingue(s)

  

 






C'est avec un entrain non dissimulé que je vous parle aujourd'hui du roman "Asylum", né sous la plume de la jeune Emilie Autumn (la vraie, pas l'héroïne, encore que la frontière soit mince), et paru il y a à peine deux mois aux éditions Hugo Roman 😃


Après une tentative de suicide, Emilie est internée dans un hôpital psychiatrique de Los Angeles. Dans le carnet qu'elle a réussi à conserver, elle découvre, jour après jour, des écrits mystérieux : le journal intime d'une autre Emily, prisonnière d'un maléfique manoir anglais à l'époque victorienne. Un asile dont les pensionnaires maltraitées sont soumises à d'horribles expériences avant d'être sacrifiées. La révolte gronde, et Emily sait qu'elle peut compter sur l'aide de Sir Edward, un rat de haut rang au langage des plus châtiés...


Si vous suivez un peu les publications de ce blog, vous aurez remarqué que je n'ai pas connu de véritable élan enflammé depuis un moment. Mais là, c'est un presque coup de cœur et me concernant, ce n'est pas rien ! 🤩


Je me suis retrouvée à lire ce livre quand, dans un moment de désespoir livresque, j'ai supplié ma fournisseuse officielle et attitrée de livres de me dénicher quelque chose à me mettre sous la dent. Dans la sélection reçue, la couverture d'Asylum m'a tout de suite attiré l’œil - sans compter la thématique de l'asile.


Comme le dit Emilie au cours de l'ouvrage, allez savoir pourquoi, les asiles, ça fascine les gens. Je ne sais pas si c'est une vérité générale, mais une chose est sûre, j'aime le dérangeant, le glauque et l'idée de me faire peur avec des récits de ce genre. N'allez pas croire que je réduis les troubles mentaux et les histoires personnelles des patients de ces établissements à de vagues histoires amusantes à raconter pour ficher la frousse à la galerie : je ne connais que trop bien la réalité de ce genre d'institution, et leur parcours à travers les âges.


Mais une chose est certaine, j'aime définitivement comment l'auteure nous a menés par le bout du nez au sein d'une histoire prétendument pesante et la manière dont elle a descendu en flèche une atmosphère lourde par des traits d'humour d'un cynisme à toute épreuve. Bien que je sois extrêmement réservée sur certaines de ses formes particulièrement virulentes - et qui n'ont de soi-disant "drôle" que la réputation - je suis néanmoins adepte de l'humour noir manié avec intelligence à bon escient. Autant vous dire que là, j'ai été servie 😏


Par ce seul procédé, l'héroïne avait déjà gagné toutes mes faveurs, mais grâce à la somme de sa personnalité, de son histoire personnelle et de son expérience au sein de l'hôpital psychiatrique dans lequel elle a été admise, je me suis plongée sans un regard en arrière dans son histoire et c'est avec un pincement au cœur que j'ai vu son point de vue progressivement s'étioler pour laisser place à celui d'Emily - sa camarade d'infortune, si l'on peut dire, issue d'une époque victorienne.


Mais le pincement s'est vite atténué lorsque je me suis glissée dans l'esprit de la jeune fille en question, à mesure qu'elle me déroulait tout autant qu'à la première héroïne l'intégralité de sa triste histoire. C'est toujours hallucinant de repenser aux traitements que subissaient les patients d'un asile dans les époques reculées - et à certains égards, encore maintenant. Mais c'est aussi et surtout l'occasion de poser un véritable regard sur les droits des femmes sous la société victorienne, qui nous est dépeinte à travers l'histoire d'Emily et du club des Bas Rayés.


Si aujourd'hui cela peut prêter à rire, cette époque marque une réalité heureusement très différente de celle que nous vivons actuellement - encore que les droits des femmes sont toujours soumis à une lutte acharnée dans bien des pays et régressent parfois encore sous nos yeux ahuris dans des pays et des états dits "civilisés". Comme le souligne ce livre et bien d'autres registres on ne peut plus réels d'asiles de tous horizons, notamment américains pour citer la source des exemples à suivre, se débarrasser d'une femme à l'époque était la chose la plus aisée qu'il soit 🤷‍♀️


La liste des motifs d'internement était plus interminable que la liste des dettes de ce pauvre Donald Duck ! Jalousie, paresse, contraction de la syphilis, usage d'un moyen de contraception, "dérangement menstruel", suractivité de l'esprit, enthousiasme trop marqué pour la religion, intéressement à la politique, asthme, vie dissolue, égotisme, épilepsie, masturbation et absence de masturbation à la fois, afflux sanguin, remontées acides, décès d'un proche pendant la guerre, abandon par un mari, faiblesse de l'intellect, études trop acharnées, scarlatine, cupidité, douleur, irritation de la colonne vertébrale, rassemblement, usage de tabac à priser sur une période de deux ans, petite vérole, superstition, dérangement utérin, "vices vicieux" (avouez que ça ne s'invente pas), "troubles de femme", séduction, désappointement, absence de règles, exposition au charlatanisme, mauvaises fréquentations, hydropisie, consommation d'opium ou encore, et c'est de loin mon petit préféré, lecture de romans... Autant de motifs et bien plus encore de finir à l'asile à cette époque maudite ! Autant dire que naître femme sous une société pareille avait de quoi donner des sueurs froides. Maladies, opinions, mésentente avec votre mari ? Vous étiez catégorisée folle d'office 💁‍♀️


La lecture de ces divers motifs vous aura peut-être arraché un sourire de dépit, voire un rire incrédule - cela m'a arraché les deux à la fois, c'est vous dire. Mais ririez-vous encore si je vous disais que l'on voit encore se jouer des parodies d'internement par des médecins complaisants sous l'impulsion de maris violents ? Ou qu'une femme a déjà été internée pendant huit jours contre sa volonté par la police car des officiers voulaient l'obliger à reconnaître qu'elle n'était pas la propriétaire de sa propre voiture ? Tout cela s'est passé ces dernières années et se produit encore de nos jours. C'est  proprement hallucinant et c'est aussi face à cette réalité que nous confronte l'auteure en nous parlant de l'histoire respective d'Emilie et Emily.


Un autre point que soulève le récit avec adresse, c'est le cas qui est fait des patients de ces institutions à diverses époques. Dans ces temps reculés où la moindre respiration ne seyant pas à un membre de la gent masculine, un voisin proche, voire un membre de votre propre famille suffisait à vous offrir un séjour sans retour, les méthodes de "guérison" étaient tout aussi voire encore plus incroyables, au sens littéral du terme - car comment croire à une chose pareille ? 😶


On recense rien que dans cet ouvrage l'usage de sangsues, la clitoridectomie, l'abus sexuel pour "soulager l'afflux sanguin", l'ablation de certaines parties du corps, la contention chimique, la lobotomie, la trépanation à coups de marteau, les bains gelés et autres horreurs que je ne parviens à toutes citer de mémoire. Voilà le quotidien de cette pauvre Emily et à bien des égards, Emilie et ses contemporains sont traités avec plus de dignité... Certes, c'est sans compter l'absence de dialogue, la prise de médicaments contre-indiqués voire inutiles, la thérapie par électrochocs, l'indifférence du personnel médical et autres joyeusetés du même acabit 🙄


Ce qui est d'autant plus intéressant dans Asylum, c'est que l'ouvrage présente certes les déviances, mais aussi la paranoïa à laquelle est soumise le patient atteint de troubles sérieux et montre aussi que les instituts tentent tout de même beaucoup de choses pour soigner leurs patients, avec bien plus de succès qu'à une époque sérieusement barbare.


L'auteure manie la plume avec une telle adresse qu'un questionnement permanent est de mise tout au long de la lecture. Qu'est-ce qui est réel, qu'est-ce qui ne l'est pas ? Qui souffre vraiment de maux sévères, qui souffre du on-dit et de l'incompréhension générale ? Quel est le lien entre ces deux Emily/Emilie ? Comment ce lien entre elles peut-il exister ? L'alternance entre les notes de l'une et les lettres de l'autre, le rythme qui s'essouffle d'un côté pour laisser de l'espace au versant opposé... c'est fascinant de voir à quel point on se laisse embarquer sans opposer de résistance.


Très sincèrement, le seul "bémol" que j'ai trouvé à cette histoire et qui retient à grand peine mon cœur de pencher pour un coup de foudre total et absolu, c'est le flou dans lequel on reste en partie à la fin. Pas mal de questionnements subsistent et entre nous, c'est tout à fait cohérent avec le reste de l'histoire, mais je suis restée avec plusieurs incertitudes qui m'ont perturbée - faible perturbation car en dépit de tout, j'ai vraiment adoré cet ouvrage 👌


Je dois aussi avouer que j'ai été totalement saisie par la petite partie descriptive concernant l'auteure, Emilie Autumn, qui a conclu le roman. J'ai d'abord pensé qu'il s'agissait d'une sorte de prolongement de l'histoire, une sorte de délire assumé, un petit plus pour fondre encore plus avant le pseudonyme de l'auteure avec le nom de son personnage principal, mais force m'a été de constater que tout était vrai. Une large partie de la section concernant Emilie est autobiographique et rien qu'en réalisant cela, avec l'immersion dans des véritables notes de son propre carnet, on réalise à quel point l'auteure a joué franc-jeu et nous a dévoilé la souffrance qui a été la sienne.


Bien d'autres thématiques ont été abordées au fil du roman, comme notamment l'amour que se porte les femmes détenues dans ce manoir-asile à l'époque victorienne, et je pourrais très sincèrement y passer plusieurs heures pour en parler, mais ce review n'a déjà que trop duré. J'espère sincèrement retrouver la plume d'Emilie Autumn sur un autre projet et d'ici là, je compte fouiller d'un peu plus près du côté de sa carrière musicale. Je ne sais pas si on peut exactement mettre ce livre entre toutes les mains parce qu'il faut admettre que le contenu pourrait heurter certaines sensibilités, mais toutefois, je le recommanderais tout de même au plus grand nombre ! 💚


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Le petit mot de la fin 🖋


Ce retour sur le roman « Asylum » n’est que le fruit d’une appréciation générale de la lectrice perdue au milieu d’une foule de tant d’autres que je suis. Les remarques, positives comme négatives, qui y sont établies ne sont que le reflet de mon avis personnel sur la question et ne sauraient s’autoproclamer références en la matière ☝


N’hésitez donc jamais à ouvrir vous-mêmes ce livre pour vous en faire votre propre avis et si je ne pouvais vous donner qu’un conseil, terminez-le quoi qu’il en soit, afin d’avoir toutes les cartes en mains pour vous prononcer sur la qualité de celui-ci dans son intégralité 😉


N’oublions jamais qu’un roman dont la lecture ne nous prend que quelques heures représente en réalité des mois de travail acharné de la part de l’auteur, qui a mis une importante part de lui dedans et qui a pris le risque d’exposer son bébé au reste du monde 💚





                                                                                                                                              Roman-e


 

 

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